Notre plus grand mérite n’est pas de ne jamais tomber, mais de nous
relever à chaque fois.
(Ralph Wado Emerson)
Elle marche d’un bon pas, je la suis en respectant une distance
suffisante. Deux carreaux, je suis trop près ; quatre carreaux, je suis en
sécurité.
J’ai envie, au choix ou tout à la fois, de disparaitre, de devenir
invisible, de me désintégrer, de faire demi-tour, de rembobiner. Oui, voilà,
c’est ça. On peut rembobiner, s’il vous plait ?
Nous avons deux vies. La seconde commence le jour où l’on se rend
compte que l’on n’en a qu’une.
(Confucius)
Ce n’est pas pour rien si l’acronyme de maison de retraite est
MDR…
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Qu’est-ce qui a bien pu pousser Julia à postuler à la maison de retraite
« Les Tamaris » de Biarritz, à quelques kilomètres seulement de sa
maman, mais pourtant à son insu ?
Est-ce le décès de son père, l’AVC de sa grand-mère, la séparation d’avec son
petit ami, l’envie de quitter Paris ? Peut-être ne le sait-elle pas
elle-même…
Ou peut-être est-ce tout cela à la fois ?
Voilà donc Julia, jeune diplômée en psychologie, avec un nouveau boulot, un nouvel environnement, une nouvelle vie...
Julia va devoir se défaire de ses "états d'âme - souvenirs - casseroles" et, pour cela, elle peut compter sur des collègues qui vont rapidement lui accorder leur confiance et leur amitié; et puis surtout, elle va peu à peu entrer dans l'univers des résidents de cet EHPAD, des pensionnaires qui vont la surprendre et la faire réfléchir quant au sens de la vie, de sa vie!
« Tu comprendras quand tu seras plus grande », chaque jour passé aux
Tamaris va faire grandir Julia. Virginie Grimaldi est parvenue à nous rendre
tous les personnages terriblement touchants, attachants, émouvants. Un grand
roman feel-good qu’on ne peut abandonner et qui nous fait basculer à tout
moment du rire aux larmes et inversement, du début jusqu’à la fin.
JE RETIENS: Ce roman est un anti-dépresseur, à consommer sans modération!
J'OUBLIE: Je ne vois pas.
- Julia, puisque c’est une première pour toi, je t’explique les règles. Je
vais compter jusqu’à trois et on se mettra tous à courir dans l’eau. Le dernier
arrivé aura un gage. Prête ?
Non,
attends, je crois que j’ai oublié quelque chose dans ma chambre. Il faut que je
retourne le chercher. Mon cerveau.
- Prête?
- 1… Je lègue tous mes livres et mes
bijoux à ma mère.
- 2… Je lègue mon maquillage et mes
DVD de Ryan Gosling à ma sœur.
- 3 ! Je n’entends plus rien, je ne vois plus rien. Je cours comme si
ma vie en dépendait, je crie un peu, il se peut même que j’appelle ma mère une
fois ou deux. L’eau est tellement froide qu’elle parait bouillante. Je vais me
désagréger, on ne retrouvera que mes dents, des enfants les prendront pour des
coquillages et s’en feront des colliers. Sur ma tombe, on gravera
« C’était un bijou ». Quelle belle fin !
Certains disent que la vieillesse est un naufrage,
moi je pense que
c’est une chance. Un honneur.
Tout le monde n’y a pas accès. Et puis, je suis persuadée que ce n’est pas pour
rien si elle est difficile.
- C’est-à-dire ?
- Si la vieillesse était douce à vivre, personne ne voudrait que ça s’arrête.
Le fait qu’elle soit si rude rend l’existence moins attachante. La vieillesse a
été inventée pour se détacher de la vie.
Il faut dire que, en matière de procrastination, je me pose là. Je ne
m’intéresse à mon compte bancaire que quand mon banquier me menace des pires
sévices, j’envoie généralement mes vœux de nouvelle année au mois de mars, je
paie systématiquement la majoration de retard pour mes impôts, j’ai un tiroir
plein d’enveloppes jamais ouvertes, j’attends d’avoir le réservoir de la
voiture vide pour faire le plein d’essence, je ne m’occupe des racines de mes
cheveux que lorsqu’elles ne s’appellent plus ainsi, j’ai treize ans sur la
photo de ma carte d’identité, je suis incapable de garder une plante en vie, je
collectionne les Post-it noircis de listes de choses à faire, dont la plupart
commencent par « Voir Post-it précédent ».
La prof, Svetlana, est une jolie blonde avec un léger accent et l’air
aussi doux qu’un rouleau de papier toilette triple épaisseur. Je vois mal
comment son cours pourrait me mettre en difficulté.
- Nous allons commencer les échauffements, en place !
09h30 : C’est parti pour une heure de gymnastique douce. Je ne sais pas ce
qui m’a pris de céder, ce n’est pas comme si j’avais une tonne de dossiers à
mettre à jour au bureau…
Si Anne-Marie passe dans le coin, je plaiderai la
dimension psychologique du sport.
09h34 : On effectue des rotations de poignets depuis quatre minutes, je
pense qu’ils sont bien échauffés.
09h35 : Si on continue ce mouvement, mes mains vont se dévisser.
09h37 : Alléluia ! On passe aux épaules. Peut-être que demain matin,
on commencera la gym.
09h40 : La musique serait agréable, si elle n’était pas couverte par le Concerto des articulations en ré mineur.
09h43 : Les chevilles maintenant. Si je m’endors, que quelqu’un me
réveille.
09h45 : Peut-être que, si je sors discrètement, personne ne me verra…
09h46 : - Alors Julia, vous nous quittez déjà ?
Quelle fouine, cette Maryline.
- Pas du tout, je vérifiais juste si la porte était bien fermée.
09h48 : Je me demande s’il est possible de décoller en battant des
chevilles.
10 heures : Je sursaute en entendant la voix de Svetlana. Il se peut que
je me sois assoupie quelques minutes.
10h01 : Premier exercice, on doit enrouler le haut du corps vers le bas.
Les plus souples pourront toucher le sol avec leurs mains, ajoute Miss
Moltonel.
10h02 : Fière de
moi. Mes doigts sont à la hauteur de mes chevilles. Elles sont moins
fanfaronnes, les trois momies.
10h03 : Je jette discrètement un œil vers le gang des mamies, pour
m’assurer de leur admiration. Je leur avais bien dit que ce serait de la
rigolade pour moi.
10h04 : Elles sont l’inverse d’admiratives. En réalité, elles ne font même
pas attention à moi. Louise touche ses orteils, Elisabeth frôle le sol et
Maryline a les mains à plat sur le tapis.
10h05 : Faire comme si je ne les voyais pas. Je force un peu pour
atteindre mes orteils. Ça tire, mais il ne sera pas dit que j’ai été
ridiculisée par des octogénaires.
10h06 : C’est l’ostéoporose qui doit les rendre souples.
10h07 : Allez, encore un petit effort, Julia, ne pense pas à la douleur
derrière tes cuisses, tu y es presque.
10h08 : Svetlana et son accent nous invitent à nous relever lentement le dos
rond.
J’essaie donc de me relever lentement, le dos rond.
10h09 : J’essaie donc de me relever lentement, le dos rond.
10h10 : J’essaie donc de me relever lentement, le dos rond.
10h11 : Bon, il semblerait que je sois coincée.
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