Papy Sitting

Carole Meudic - Ex Aequo 2021


Comment réagiriez-vous si, alors que vous approchez de la cinquantaine, l’État impuissant à payer les retraites des petits vieux, vous obligeait à héberger et entretenir vos parents ?

Seriez-vous de ceux qui prendraient cela comme un devoir national et familial, trouvant dans cette situation une opportunité d’échanges autant dans les services rendus que dans les contacts intergénérationnels ?

Vous classeriez-vous plutôt parmi ceux qui peinent régulièrement en fin de mois, pire : ceux qui ne savent déjà pas se permettre d’offrir une chambre spécifique à chacun de leurs enfants ? 
Alors, cette obligation d’héberger un parent ne peut être qu’une contrainte, une charge financière, matérielle, émotionnelle et même conflictuelle ?

Que dire enfin du cas de Maximilien, célibataire endurci, confronté au retour de son père Henri, qu’il n’a plus vu et avec qui il ne s’est plus entretenu depuis plus de 20 ans ?

Voilà, le sujet est posé !

Les protagonistes sont donc Maximilien et Henri Lalouse (oui, c’est bien leur patronyme !).

Maximilien d’abord, c’est la quarantaine dépassée, des études avortées, une carrière de comédien jamais entamée, des virées avec des potes pas tous recommandables, des liaisons très passagères, un laisser-aller généralisé… Mais Max, c’est aussi le barman consciencieux et bosseur depuis des années au Muschroom Café, c’est le p’tit gars qui s’est offert son minuscule appart’ à crédit, c’est le garçon sympa qui peut compter sur quelques vrais amis, et puis il a un coloc sympa : son chat adoré Momo !

Quant à Henri, c’est l’épicurien, l’amateur de tous les plaisirs : de la bonne chère, de la bonne chair, des jeux, des paris. C’est également un spéculateur, avec un caractère égoïste qui l’a amené à l’âge de  cinquante ans, à revendre son commerce, tout plaquer (Entendez : son ancienne vie et son « abruti » de fils !) pour filer en République dominicaine, assumer une retraite anticipée dorée sous le soleil et les cocotiers. Ah, oui, j’oubliais : Henri déteste les chats.

Après avoir lu la 4ème de couverture, je m’attendais à découvrir une succession de quiproquos, d’anecdotes cocasses entre le père et le fils, bref… un truc rigolo. D’ailleurs, j’avais été un peu contrariée par la photo de couverture qui ne correspondait pas à l’idée que je m’en faisais.

J’aurais dû m’en douter ! Après avoir découvert la vie de l’un à Bordeaux, puis de l’autre à Las Terrenas, leurs retrouvailles dues à cette obligation mutuelle de cohabitation sont loin d’être drôles.

Une histoire d’entente ? De mésentente ? 
Non, car Maximilien et Henri ne partagent rien hormis cet appartement : 
pas de communication, pas de lien, pas d’affection, pas de respect… Pourquoi le feraient-ils ? Rien de tout cela n’a jamais existé entre eux. Nous les suivons donc chacun dans cette cohabitation ou plutôt dans leur vie en dehors de cette cohabitation.

Plusieurs événements vont venir troubler et amplifier encore ce malaise.

D’abord, Max va enfin rencontrer la femme de sa vie, celle de qui il va réellement tomber amoureux, celle qui lui permet peu à peu de s’affranchir de son passé. Ensuite, il y a ces clichés exhibés par un pote montrant Henri sur son 31 en joyeuse compagnie au Casino…

Je m’arrête ici car je risquerais d’en dévoiler trop. Mais, vous l’avez compris, « Papy Sitting » de Carole Meudic s’apparente davantage à un roman sombre où pas mal de choses sont sous-entendues, intériorisées qu’à un roman de style Chick Lit !

J’apprécie le courage de l’auteure qui a pris comme thème de départ la stigmatisation de cette génération bien-pensante des soixante-huitards (voir ma citation). En partant du principe que cette génération dorée a joui des bienfaits de l’éducation et de l’instruction, des divertissements, voyages et plaisirs, d’une liberté d’expression, d’un accès facile à l’emploi et au logement, d’une mise à la pension anticipée et la garantie d’un revenu confortable de retraite bien supérieur proportionnellement à celui que touchera la génération suivante (Bon là, c’est moi qui dérape… et je m’en veux de faire preuve d’exagération et de généralisation).

Ce qui est certain, c’est que Carole Meudic ne m’a pas laissée indifférente en suscitant cette réflexion chez moi. Sans trop dévoiler l’intrigue, je peux avouer que ce n’est pas le seul thème abordé, loin de là, car nous découvrons aussi un vrai monde de souffrance intérieure vécue par Max.

En conclusion, j’ai adoré le livre. Et si je n’ai pas mis la note optimale, c’est que j’ai déploré le côté un peu trop larmoyant de Max et un petit goût de trop peu.

JE RETIENS: Ce roman est à l'inverse de ce à quoi je m'attendais et son style original et décapant m'a séduite.
J'OUBLIE: Pourvu que ça n'arrive pas pour de vrai :-(


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