Moi et les autres

Amanda Cley et illustrations de Cecilia Ferri - Editions Passepartout 2023

90 mots ! Seul 90 mots pour aborder, traiter et décrier les dérives d’un thème au cœur de l’actualité : les effets pervers d’appartenance à un groupe déterminé et la capacité à pouvoir s’en détacher afin d’affirmer sa propre identité.

Amanda Cley, l’autrice italienne de « Moi et les autres », traduite ici en français par Florence Camporesi, pose des mots simples, précis, efficaces, compréhensibles et accessibles à tous.

Il est vrai que ressembler aux autres, se fondre dans la masse, se conformer aux idées du groupe… peut sembler rassurant, car ce phénomène de mimétisme donne une fonction, il permet de nouer des relations, il assure une forme de protection. Mais à quel prix ?

Alors, au-delà des mots, c’est la force des illustrations qui va créer la réflexion.
L’illustratrice, Cecilia Ferri démontre l’ambiguïté et les enjeux liés au fait de se conformer à un type d'individus et, en s’affranchissant de ce groupe, le pouvoir intérieur libérateur qui permet de revendiquer son individualité.

Le personnage hautement symbolique choisi par l’auteure et l’illustratrice est le loup, et dans sa fonction de groupe, la meute, rappelant inévitablement que « L’homme est un loup pour l’homme ». Ces petits (et grands) loups effraient et nous terrifient par leurs yeux vides ou fermés.

Cependant, derrière ces déguisements de loups, on devine l’innocence et la candeur des petites « victimes » prises au piège.

Quelques 14 tableaux terriblement expressifs nous plongent dans un maelström d’émotions qui forcent notre interprétation et notre jugement.

Très adroitement, l’auteure attire notre attention sur le fait que le choix de s’écarter du groupe n’est pas sans risque…

En conclusion, quel usage accorder à cet ouvrage ? Je suis perplexe. Certains l’utiliseront afin de faire une animation magistrale au sein d’une classe et provoquer des discussions. Peut-être. Mais l’effet escompté s’apparente parfois à un boomerang. Pour ma part, je laisserais venir les enfants qui sont simplement attirés par cet étrange livre et attendre patiemment que viennent les questions.

Le public cible, d’après les éditions Passepartout, vise des enfants dès l’âge de 10 ans.
Cela me semble tardif, je pense que cet album peut être abordé par des enfants nettement plus jeunes (le harcèlement scolaire et le phénomène de « bande » se manifestent très tôt à l’école).

Je terminerai enfin par deux petites notes négatives :
1) Pourquoi un format 17/24 qui ne rend pas honneur à l’illustratrice ?
2) Pourquoi la dernière illustration en troisième de couverture me laisse-t-elle cette impression tristoune, voire malaisante ? (Oui, je sais que ces mots ne sont pas français !)

JE RETIENS: Un ouvrage aux illustrations terriblement évocatrices.
J'OUBLIE: Un petit sentiment de malaise sur la fin (le héros est-il vraiment heureux de son choix?).