Dinah Jefferies fait assurément partie de ces auteurs
que l’on adore ou que l’on déteste.
Je n’ai pas honte et j’assume complètement mon addiction à ces magnifiques
romances mélodramatiques. Les histoires de Dinah Jefferies racontent
généralement le parcours d’une jeune femme qui doit affronter des épreuves dans
un contexte où se mêlent politique, racisme, féminisme et lutte de classes… et ce,
au moment même où elle rencontre le grand amour.
C’est bien sûr ce dernier
aspect qui peut excéder : une romance tellement attendue dans la lignée de
la collection Harlequin.
Pourtant, on en est très éloigné si l’on prend en compte que l’auteure a vécu son enfance en Malaisie avant de rejoindre la Grande-Bretagne. Son adoration et sa profonde connaissance de l’Asie du Sud-Est nous sont transmises dans chacune de ses œuvres.
« Les sœurs de soie » ne dérogent pas à la règle. Nous assistons à l’évolution de Nicole, eurasienne (de père français et de mère vietnamienne) qui doit effectuer des choix de vie en lien avec la fin de la colonisation française de l’Indochine, les mouvements de révolte des Viet Minhs, ainsi que les enjeux internationaux d’un Vietnam convoité autant par les USA que la Russie.
Me concernant, la perspective que j’adore, c’est ce contexte historique magnifiquement et brillamment retranscrit, abordant les différents points de vue (sans prise de position) avec objectivité et respect de tous les intervenants.
Ce roman m’a permis de mieux comprendre les évènements et la situation du Vietnam bien avant cette fameuse guerre qui les opposera aux États-Unis, des éléments indispensables comme la période indochinoise qui préfigurera le mouvement de révolte Viet Minh.
L’histoire de Nicole, élevée à la française par son père, mais dotée d’un physique typiquement vietnamien, hérité de sa mère malheureusement décédée, nous plonge dans cette période trouble du milieu du XXème siècle. Nicole est une jeune fille simple (entendez « sans chichis ») qui se réalise pleinement dans l’exploitation d’un commerce de soie le jour et des représentations théâtrales le soir grâce à ses talents de chanteuse. Mais la situation à Hanoï devient étouffante pour les Français, des rumeurs de révolte sourdent… Et lorsque Nicole assiste à l’exécution d’un ami vietnamien par son père, son univers bascule. Ce traumatisme va lui faire tourner le dos à sa nationalité française pour rejoindre le mouvement Viet Minh. Mais cela ne l’empêche pas de penser à Mark, cet Américain dont elle est tombée amoureuse.
Pour conclure, ma satisfaction à découvrir un pan de l’Histoire de l’Indochine fut grande ainsi que mon admiration pour l’intensité et la subtilité avec lesquelles des thèmes aussi graves que la mixité raciale, le métissage, la condition féminine, l’exploitation coloniale sont abordés.
JE RETIENS: Ce roman nous fait évader dans un passé pas si lointain, dans un pays exotique et dans un contexte historique très instructif.
J'OUBLIE: La vie de Nicole est romancée à souhait (trop?).
Le saviez-vous?
La torture était pratiquée en Indochine avant la guerre d'indépendance.
Elle a indubitablement été utilisée par l'Armée et les services de sécurité pendant la guerre d'Indochine, même si son étendue reste à déterminer. Alors que cette pratique fut dénoncée pendant cette guerre, et par ailleurs évaluée comme inefficace, l'expérience indochinoise fut ensuite théorisée et appliquée pendant la guerre d'Algérie, puis la guerre du Viêt Nam.Du côté Viet Minh : parmi les punitions, l’une des plus terribles est le séjour prolongé dans la sinistre "cage à buffles " sous une maison sur pilotis où le prisonnier, attaché à un poteau dans une eau putride sans pouvoir se protéger des piqûres d’insectes, est parfois supplicié jusqu‘à la folie et la mort.
Les camps Vietminh présentent tous les mêmes caractéristiques : installations délabrées, insalubrité, conditions inhumaines, endoctrinement systématique, régime alimentaire affamant, saleté et promiscuité, absence de soins pour les malades, sévices à la moindre incartade ou rébellion et donc mortalité très forte sur de courtes périodes. Les morts sont inhumés sommairement, sans linceul ni cercueil, par les prisonniers qui le peuvent.