Dès le réveil, la perspective de devoir traverser une journée entière accable déjà les pensées et les corps. L’absence d’horloge fait de chaque jour un moment suspendu et interminable. Entre ces murs où l’on attend d’être vue par un médecin, le temps est l’ennemi fondamental. Il fait jaillir les pensées refoulées, rameute les souvenirs, soulève les angoisses, appelle les regrets – et ce temps, dont on ignore s’il prendra un jour fin, est plus redouté que les maux même dont on souffre.
Les concepts chrétiens ne l’ont jamais convaincue ; elle ne niait pas la possibilité d’un Dieu, mais elle préférait croire en elle-même plutôt qu’en une entité abstraite. Elle avait du mal à envisager l’existence d’un paradis et d’un enfer éternels – la vie ressemble déjà assez à une condamnation, que cette condamnation se poursuive après la mort paraissait absurde et injuste.
Alors que dire, le vrai ou l’invention ?
Souvent, la vérité ne vaut pas mieux que le mensonge. D’ailleurs, ce n’est pas entre les deux qu’on fait son choix, mais entre leurs conséquences respectives.
On ne sait jamais vraiment si l’on a bien fait de révéler sa vérité. Ce moment d’honnêteté, soulageant sur l’instant, se mue rapidement en regret.
On s’en veut de s’être confié.
De s’être laissé emporter par l’urgence de dire.
D’avoir placé sa confiance en l’autre. Et ce regret nous fait promettre de ne plus recommencer.
Geneviève ne lisait rien d’autre que des ouvrages scientifiques.
Elle n’appréciait pas les romans car elle ne saisissait pas l’intérêt d’histoires fictives. Elle n’aimait pas non plus la poésie, celle-ci ne présentant aucune utilité. À ses yeux, les livres se devaient d’être pratiques – il fallait qu’ils apportent un enseignement sur l’homme, du moins sur la nature et le monde. Elle n’ignorait néanmoins pas le rôle déterminant que certains livres pouvaient jouer sur les individus. Elle l’avait non seulement constaté chez elle et sa sœur, mais aussi chez des aliénées, qui parlaient de romans avec une passion étonnante. Elle avait vu des folles réciter des poèmes et pleurer, d’autres évoquer des héroïnes littéraires avec une familiarité joyeuse, d’autres encore se remémorer un passage avec un sanglot dans la voix. Là résidait la différence entre le factuel et la fiction : avec le premier, l’émotion était impossible. La fiction, au contraire, suscitait les passions, créait les débordements, bouleversait les esprits, elle n’appelait pas au raisonnement ni à la réflexion, mais entrainait les lecteurs – les lectrices, surtout – vers le désastre sentimental.
Ces gens qui l’ont jugée, qui m’ont jugée moi…
leur jugement réside dans leur conviction. La foi inébranlable en une idée mène aux préjugés.
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La Salpêtrière, fin du XIXème siècle : un univers de femmes avec d’un côté, les démentes, les hystériques, les mélancoliques… ; de l’autre, les infirmières qui les encadrent.
Et qui règne en maître absolu ? L’éminent docteur Charcot, avec ses séances d’hypnose et ses autres méthodes « révolutionnaires », sensées démontrer ses analyses scientifiques.
Charcot, véritable maître pour Geneviève, l’infirmière en chef, qui « soigne » les patientes.
Et comme tous les ans, à l’approche du bal organisé en l’honneur de « folles », les esprits déjà malmenés au sein de la Salpêtrière s’échauffent.
Au fait, qui sont-elles, ces femmes internées ? On les découvre dans « Le bal des folles » de Victoria Mas. Touchantes, fragiles, naïves, à la sensibilité hyper exacerbée… certainement !
Mais sont-elles réellement folles, au point de les interner ?
Cette plongée dans le début des études de la médecine neurologique nous interpelle sur la personnalité et les méthodes de Charcot. Ce roman aborde le sujet par le biais des internées et de Geneviève, d’où une vision nettement différente de la version scientifique établie.
De quoi déstabiliser les plus convaincus, y compris l’infirmière en chef…
JE RETIENS: Une histoire addictive basée sur des faits réels, réinterprétés par Victoria Mas.
J'ai beaucoup appris sur le Docteur Charcot et la Salpêtrière.
J'OUBLIE: Inimaginable aujourd'hui que de tels traitements et expérimentations aient pu exister.
Le saviez-vous?
La maladie de Charcot doit son nom au neurologue qui l'a découverte.
C'est une maladie neurodégénérative (une forme de sclérose).
Pour traiter l'hystérie, le docteur Charcot a testé l'hypnose, l'électrothérapie, l'hydrothérapie, la métallothérapie, les techniques de suspension et qu'à cette fin, il a provoqué des névroses artificielles chez ses patientes afin de reproduire leurs symptômes.
La patiente attitrée de Charcot, Louise Augustine Gleizes, a été internée à La Salpêtrière à 14 ans pour ses fortes crises d'hystérie. La jeune fille, très réactive aux techniques d'hypnose, sert d'expérience et est exhibée dans des réunions mondaines. Lorsqu'elle refuse de participer, elle est placée en isolement. Augustine a fini par s'échapper de l'hôpital.
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