1) Pauvre de moi qui n’ai pas bac+++… et qui ne suis qu’une simple institutrice primaire !
L’ouvrage de Samuel Baudry, « D’où vient la
critique littéraire ? », surpasse largement mon niveau d’érudition et
je l’avoue en toute humilité et sans honte. Cette étude rigoureuse sur
l’origine et l’évolution des discours critiques démontre la maîtrise parfaite
de son auteur sur ce sujet, ainsi que l’analyse fouillée de ses recherches.
D’ailleurs, chaque chapitre est étayé d’une large bibliographie qui permettra à
tout un chacun de parfaire encore ses connaissances.
L’ensemble des 18 chapitres est construit à l’identique selon trois axes :
le contexte, les dispositifs et les objets ; et parcourt ainsi l’histoire
des commentaires critiques littéraires depuis l’Antiquité grecque et latine
jusqu’à nos jours. Le tout aboutit à un résultat très structuré, très
synthétique, très technique. Et si personnellement, j’y ai trouvé certaines
longueurs, je dois admettre en avoir retiré plusieurs enseignements. Cet
ouvrage sera donc une source précieuse pour tout étudiant ou professionnel ou
passionné de la sphère littéraire.
Mais je m’interroge quant à ce passage : « …le doctorat ès lettres, d’origine médiévale, mais qui se redéfinit au cours du XIXème siècle. Grade attestant une capacité à produire des savoirs nouveaux, barrière d’entrée dans la profession, il est aussi un mécanisme d‘auto confirmation qui, par les citations et les bibliographies renvoyant aux autres docteurs, atteste leur appartenance à une même communauté ». Cet ostracisme intellectuel ne serait-il pas encore d’actualité dans certains milieux universitaires ?
2) Pauvre de moi, lectrice naïve, qui ai choisi cet ouvrage pour la pertinence de cette question en quatrième de couverture : « Pourquoi, depuis la naissance de la littérature, l’être humain ne se contente-t-il pas de lire ? Pourquoi éprouve-t-il le besoin de commenter, d’analyser, d’explorer, d’interroger, en bref, de critiquer les livres ? »
L’auteur a magistralement cerné le problème et il
boucle la question. Je cite : « À côté des usages légitimes
(scolaires, analytiques ou esthétiques) que les institutions littéraires
avaient imposé au XIXème siècle sont maintenant revalorisés des usages qui
avaient été minorés dans les discours métalittéraires : usages didactiques
(la littérature comme source d’inspiration), politiques (la littérature comme
sensibilisation à des questions sociales), identitaires (la littérature comme
outil de construction de soi) ou thérapeutiques (la littérature pour échapper à
sa souffrance, pour réparer des traumatismes). »
Heu… c’est tout ? Et le bonheur de lire, dans le sens du plaisir futile,
voire inutile, doit-il être répertorié comme usage didactique ou
identitaire ? Donner son avis pour partager en toute simplicité un
sentiment, un ressenti, sans devoir prouver quelque chose et sans rien en
attendre en retour…
3) Pauvre de moi, chroniqueuse lambda sans prétention, qui me permets de rédiger des commentaires sur des plates-formes littéraires et sur mon blog…
En effet, Monsieur Baudry, après s’être étendu sur les fondations antiques sur près de 32 pages au début de l’ouvrage, n’en consacre que 8 à la fin pour analyser ce nouveau mode de communication sur Internet. Il me semble d’ailleurs y déceler une certaine amertume, si pas un désenchantement. De fait, ma propre chronique lui paraitra bien puérile et attestera de mon amateurisme.
Je relèverai cependant un note valorisante et optimiste (je l’envisage en effet comme tel !) sur les blogs. Et c’est par cette dernière citation que je conclurai : « Enfin les blogs, qui avaient constitué le première intégration des débats critiques sur Internet, restent un mode d’expression vivant, riche et varié. »
JE RETIENS: Cet ouvrage m'a permis de prendre conscience de la richesse de la littérature et de l'immense pouvoir des mots.
J'OUBLIE: Cette étude est très pointue et j'espérais quelque chose de plus léger, voire anecdotique.
Le saviez-vous?
La poésie était un genre littéraire très répandu et très pratiqué au Moyen âge. Mais quelle est la différence entre un lai, une pastourelle, un sonnet, une ballade et un rondeau (entre autres)?
Une ballade est un poème médiéval à forme fixe composé de trois couplets et d'une demi-strophe appelée envoi, chacune étant terminée par un vers refrain, qui rappelle la forme chantée des origines.Exemple :Ballade des pendus de François Villon
Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !Se frères vous clamons, pas n’en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l’infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !La pluie nous a bués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie :
A lui n’ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n’a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !Le rondeau est un poème à deux rimes du Moyen Age. Ce terme de littérature désigne un texte poétique à forme fixe et composé de treize vers.
Exemple : Le Temps a laissé son manteau de Charles d’Orléans
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie
De soleil luisant, clair et beau.
Il n’y a bête ni oiseau
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
« Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie ! »
Rivière, fontaine et ruisseau,
Portent, en livrée jolie,
Gouttes d’argent d’orfèvrerie ;
Chacun s’habille de nouveau :
Le temps a laissé son manteau.Une pastourelle est un poème chanté, composé de strophes en nombre variable. Il met en scène, en alternant dialogues et parties narratives, une tentative de séduction d'une jeune bergère par un chevalier. La scène peut se terminer par un refus, éventuellement suivi d'un viol, ou par une acceptation. Parfois, la bergère, en butte aux instances du chevalier, appelle à l'aide le paysan qu'elle aime, qui met en fuite le poursuivant.
Exemple : Pastourelle d’un troubadour anonyme.
Par amour je suis gai,
Et tant que je vivrai,
Ne me dédirai,
Dame Joli-Corps
Me levai un beau matin,
A pointe d’aubette,
Je m’en fus dans un verger
Cueillir la violette.
De loin j’entendis
Un chant bien plaisant,
Trouvai jolie pastourelle
Ses agneaux gardant.
Dieu vous garde, pastourelle,
Couleur de rosette,
De vous je m’étonne fort
Que vous soyez seullette.
Habits vous aurez,
Si cela vous plaît,
Bien menu lacé
À filets d’argent.
Seriez vous fol, chevalier,
Plein d’extravagance
Car vous m’avez demandé
Ce dont je n’ai cure,
Père et mère j’ai
Et mari j’aurai,
Et si à Dieu plaît,
M’honoreront bien.
Adieu, adieu, chevalier,
Mon père m’appelle,
Je le vois là qui laboure
À bouefs sur l’artigue,
Nous esmons blé,
Aurons grand’ récolte,
Et si acceptez,
Froment vous aurez.
Mais quand il la vit aller,
Courut après elle,
La prit par sa blanche main,
La coucha dans l’herbe,
Trois fois la baisa
Sans qu’elle dît mot,
Mais quand vint la quatrième :
"Seigneur, à vous je me rends !"
Le lai est un poème composé de douze strophes. Chaque strophe est construite sur deux rimes et se partage en deux moitiés reproduisant les mêmes entrelacements de rimes et la même disposition des mètres (nombre de pieds dans un vers).
Exemple : Lai du chèvrefeuille de Marie de France (XIIème siècle)
J'ai bien envie de vous raconter la véritable histoire du lai qu'on appelle Le chèvrefeuille et de vous dire comment il fut composé et quelle fut son origine. On m'a souvent relaté l'histoire de Tristan et de la reine, et je l'ai aussi trouvée dans un livre, l'histoire de leur amour si parfait, qui leur valut tant de souffrances puis les fit mourir le même jour. Le roi Marc, furieux contre son neveu Tristan, l'avait chassé de sa cour à cause de son amour pour la reine. Tristan a regagné son pays natal, le sud du pays de Galles, pour y demeurer une année entière sans pouvoir revenir. Il s'est pourtant ensuite exposé sans hésiter au tourment et à la mort. N'en soyez pas surpris: l'amant loyal est triste et affligé loin de l'objet de son désir. Tristan, désespéré, a donc quitté son pays pour aller tout droit en Cornouaille, là où vit la reine. Il se réfugie, seul, dans la forêt, pour ne pas être vu. Il en sort le soir pour chercher un abri et se fait héberger pour la nuit chez des paysans, de pauvres gens. Il leur demande des nouvelles du roi et ils répondent que les barons, dit-on, sont convoqués à Tintagel.
Ils y seront tous pour le Pentecôte car le roi veut y célébrer une fête: il y aura de grandes réjouissances et la reine accompagnera le roi. Cette nouvelle remplit Tristan de joie: elle ne pourra pas se rendre à Tintagel sans qu'il la voie passer! Le jour du départ du roi, il revient dans la forêt, sur le chemin que le cortège doit emprunter, il le sait. Il coupe par le milieu une baguette de noisetier qu'il taille pour l'équarrir. Sur le bâton ainsi préparé, il grave son nom avec son couteau. La reine est très attentive à ce genre de signal: si elle apperçoit le bâton, elle y reconnaître bien aussitôt un message de son ami. Elle l'a déjà reconnu, un jour, de cette manière. Ce que disait le message écrit par Tristan, c'était qu'il attendait depuis longtemps dans la forêt à épier et à guetter le moyen de la voir car il ne pouvait pas vivre sans elle. Ils étaient tous deux comme le chèvrefeuille qui s'enroule autour du noisetier: quand il s'y est enlacé et qu'il entoure la tige, ils peuvent ainsi continuer à vivre longtemps. Mais si l'on veut ensuite les séparer, le noisetier a tôt fait de mourir, tout comme le chèvrefeuille. « Belle amie, ainsi en va-t-il de nous: ni vous sans moi, ni moi sans vous! »
La reine s'avance à cheval, regardant devant elle. Elle aperçoit le bâton et en reconnaît toutes les lettres. Elle donne l'ordre de s'arrêter aux chevaliers de son escorte, qui font route avec elle: elle veut descendre de cheval et se reposer. On lui obéit et elle s'éloigne de sa suite, appelant près d'elle Brangien, sa loyale suivante. S'écartant un peu du chemin, elle découvre dans la forêt l'être qu'elle aime le plus au monde. Ils ont enfin la joie de se retrouver! Il peut lui parler à son aise et elle, lui dire tout ce qu'elle veut. Puis elle lui explique comment se réconcilier avec le roi: elle a bien souffert de le voir ainsi congédié, mais c'est qu'on l'avait accusé auprès du roi. Puis il lui faut partir, laisser son ami: au moment de se séparer, ils se mettent à pleurer. Tristan regagne le pays de Galles en attendant d'être rappelé par son oncle. Pour la joie qu'il avait eue de retrouver son amie, et pour préserver le souvenir du message qu'il avait écrit et des paroles échangées, Tristan, qui était bon joueur de harpe, composa, à la demande de la reine, un nouveau lai. D'un seul mot je vous le nommerai: les Anglais l'appellent Goatleaf et les Français Chèvrefeuille. Vous venez d'entendre la véritable histoire du lai que je vous ai raconté.
Le sonnet est une forme de poème strictement codifiée, qui comporte quatorze vers composant deux quatrains et deux tercets et doit rimer. La longueur du vers n'est pas fixe en français.
Exemple : Sonnet à Marie de Pierre de Ronsard
Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanouies ;
Qui ne les eût à ce vêpres cueillies,
Chutes à terre elles fussent demain.Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu’elles soient fleuries,
En peu de temps cherront, toutes flétries,
Et, comme fleurs, périront tout soudain.Le temps s’en va, le temps s’en va, ma dame
Las ! le temps, non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame ;Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n’en sera plus nouvelle.
Pour c’aimez-moi cependant qu’êtes belle.