Comment ? Vous ne connaissez pas l’affaire
Gouffé ? L’histoire de la malle sanglante de Millery ne vous dit
rien ? Il s’agit pourtant d’un fait divers qui a défrayé la chronique en
1889.
Et ce n’est pas étonnant que le meurtre de l’huissier de justice
Toussaint-Augustin Gouffé ait tant impressionné l’opinion publique et rameuté
la presse.
Tous les éléments sont rassemblés pour rendre cette scabreuse affaire aussi populaire :
-
Primo, la personnalité de la
victime :
un huissier parisien parvenu à la notoriété par des procédés
souvent en-deçà de la légalité ;
un bon père de famille le jour, mais un
jouisseur notoire la nuit.
-
Secundo, les circonstances de la
découverte du cadavre :
un corps nu, en décomposition avancée suite à la
chaleur de l’été et au laps de temps écoulé depuis sa mort, balancé le long
d’un chemin de campagne, non loin de la malle qui a servi à son transport.
-
Tertio, une enquête qui piétine suite à la
non-identification du cadavre.
Il faudra l’intervention de l’éminent médecin
légiste Lacassagne pour faire le lien.
-
Quarto, des présumés coupables sacrément
charismatiques et machiavéliques :
une adorable jeune femme, Gabrielle
Bompard, qui se rend à la police, en déclarant avoir agi sous l’emprise de
l’hypnose que son amant lui a imposée ;
et un criminel aventurier, Michel
Eyraud, en fuite aux quatre coins du globe.
Alors, que vous ayez eu vent de cette affaire ou non,
vous serez scotché comme moi
à ce polar historique de Yann Botrel
« Absinthe : l’affaire Gouffé ».
Relaté par le biais de l’enquête judiciaire, ce roman
est pourtant tout le contraire d’une succession ennuyeuse des éléments de
l’investigation. Le style de l’auteur est vivant, alerte et pétillant, sans
diversions, sans redondances, ce qui contribue à rendre ce récit haletant et
palpitant.
Le sujet est très judicieusement et pertinemment traité en englobant
les différents aspects : historique, judiciaire, scientifique et
sociologique, avec une participation audacieuse d’Émile Zola qui nous offre son
regard critique.
Merci à l’auteur et aux éditions du Gros Caillou pour cet agréable moment de lecture.
JE RETIENS: Un roman qui reproduit une enquête historique à la perfection, un suspense entretenu, une analyse des faits richement traitée.
J'OUBLIE: La misogynie avait bon cours au XIXème siècle (voir la citation du Commissaire Goron).
Le saviez-vous?
Alexandre Lacassagne est un médecin légiste français (1843-1924).
Il contribua à la déontologie médicale et fut l'un des pères de l'anthropologie criminelle.
Pour lui, le criminel est un "microbe" qu'il faut éliminer, mais ce criminel "n'a d'importance que le jour où il trouve le bouillon qui le fait fermenter".
Lacassagne était un expert de la toxicologie, de la putréfaction morbide, de l'étude des tatouages...
En tant que médecin judiciaire, on lui doit les bases de la police scientifique, étant donné qu'il fut un des premiers à analyser les stries des balles pour y associer l'arme correspondante.